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Les français embarqués à Cherbourg

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Les enfants et les rescapés du Titanic :

 

Le 10 avril 1912 à 18h35, le Titanic s'immobilise dans la rade de Cherbourg, près du fort Central. L'escale dure une heure et demie, le temps pour les transbordeurs de la White Star Line, le Nomadic et le Traffic d'acheminer 281 passagers, de 26 nationalités différentes : américains, anglais, belges, canadiens, croates, grecs, italiens, libanais, polonais, russes, syriens, uruguayens... et français.

La liste des passagers du Titanic indique qu'ils sont 21 français à embarquer à Cherbourg. Lors du naufrage, 16 ont survécu. Parmi la liste des passagers rescapés du Titanic figurent Pierre Maréchal, Berthe Leroy et Louise Laroche, alors âgée de 21 mois. Le témoignage Titanic de chacun est impressionnant…


 

Pierre Maréchal : le superstitieux

 

 

Pierre Maréchal (1883-1942), fils d'Eugène Albert Maréchal (vice-amiral), originaire de Paris, était un homme d'affaires avisé. Directeur de la société aéronautique Paulhan et Cie, il embarqua à bord du Titanic (en 1re classe) à Cherbourg dans le but d'ouvrir de nouveaux bureaux pour sa société outre-Atlantique.

 

Dans une série de souvenirs inédits qu'il publia le 18 janvier 1951, le quotidien Aurore relate une étonnante prémonition concernant la traversée.

"M. Pierre Maréchal, un Parisien, appelé aux Etats-Unis par le constructeur d'avions Curtiss avait le choix de faire la traversée entre Le Savoie de notre Compagnie Transatlantique et le Titanic:

- Le Savoie part le 13, déclara M. Maréchal, je suis superstitieux !

Il retint donc sa place sur le Titanic. Mais non sans faire violence à sa femme, mi-italienne, mi-irlandaise, douée, paraît-il d'un sens prémonitoire très vif et qui suppliait de ne pas prendre le paquebot anglais.

- Je ne sais en quoi, disait-elle à son mari, mais je suis sûre, je sens ce voyage sera malheureux.

Quatre jours après le départ, Mme Maréchal jouait au bridge chez des amis en Italie. Soudain, elle laissa tomber ses cartes et perdit connaissance. Son évanouissement dura plusieurs heures et, revenue à elle, fondit en larmes en annonçant qu'un grand malheur venait d'arriver"

 

Le soir du 14 avril, Pierre Maréchal jouait aux cartes dans le Café Parisien avec des amis. Ils interrompirent la partie de cartes au moment où un officier leur suggéra d'endosser les gilets de sauvetage et de remonter au pont. Pierre Maréchal parvint à monter à bord du canot de sauvetage n°7.

" Lorsque nous nous arrêtâmes, trois-quarts de mile plus loin, le spectacle qui se déroulait devant nos yeux nous offrit un tableau d'une beauté particulière. En mer très calme, au dessous d'un ciel sans lune mais parsemé de millions d'étoiles, l'énorme Titanic, comme posé sur l'eau, était illuminé de la ligne de flottaison jusqu'au pont des embarcations. La proue s'enfonçait dans l'eau noire". [New York Sun, dimanche 21 avril 1912]

Pierre Maréchal séjourna une semaine à New York puis regagna Le Havre, le 2 mai au soir, à bord du paquebot Le Savoie.

 


 

Berthe Leroy : Dame de compagnie aux services de riches américains

 

Berthe Leroy (1884 - 1972), jeune femme modeste originaire de Hersin Coupigny (Pas-de-Calais), est couturière. En 1910, elle entre aux services de riches américains, la famille Douglas comme dame de compagnie.

En 1912, en voyage en France, ils décident de retourner aux USA pour célébrer le 53e anniversaire de M. Douglas. Elle embarque donc sur le Titanic à Cherbourg et voyage sur le même ticket que Mme Douglas (N° PC 17661). Lors de l'escale de Queesntown, elle prend le temps d'envoyer une carte postale à sa mère : "Je voudrais que vous puissiez visiter ce bateau. Je suis très heureuse sur ce joli bateau". Elle garde alors le souvenir d'une traversée luxueuse à bord du paquebot : de nombreuses fêtes, réceptions et dîners sont donnés aux passagers fortunés.

 

Lors de la collision, quand Berthe quitta sa chambre, les couloirs étaient déserts, sombres, et il était difficile de gagner le pont supérieur. Elle avança en s'aidant des plaques fluorescentes des cabines. Elle fut l'une des dernières passagères à monter dans l'avant-dernier canot de sauvetage (n°2).

"Je voyais le paquebot qui s'enfonçait lentement tandis que les embarcations, qui se remplissaient une à une, en descendaient et que cet immense iceberg dominait, tout blanc, dans la nuit claire et étoilée, surgissant d'une mer d'un calme rare, lisse comme un miroir".

Une fois à bord du Carpathia, elle retrouva sa patronne. A leur arrivée à New York, elles apprirent que le corps de M. Douglas était à bord du California en direction d'Halifax. De ce jour, elle fit la promesse à Mme Douglas de demeurer auprès d'elle. Après le décès de Mme Douglas en 1945, elle décida de retourner en France et fit son dernier voyage transatlantique sur le France.

 


 

 

Louise Laroche : les enfants du Titanic

 

Louise Laroche, âgée de 21 mois, embarqua le 10 avril 1912 sur le Titanic à Cherbourg en compagnie de sa famille dans les cabines de 2nd classe (la famille Laroche : les 281 passagers). Son père Joseph, disparaît dans le naufrage alors que Louise a pu s'embarquer à bord du canot de sauvetage n°14 avec sa mère et sa grande soeur.

 

Elle traverse le siècle sans jamais parler du Titanic. Ce n'est qu'en octobre 1994 qu'elle accepte de se confier à M. Olivier Mendez, l'un des membres fondateurs de l'Association Française du Titanic.

 

"Nous avons tous été terriblement marquées. Ma mère avait beaucoup de mal à en parler et elle a gardé des images atroces pendant toute sa vie. En outre, nous n'avons été indemnisés qu'en 1918 et nous avons donc connu des problèmes financiers importants... Ma mère nous a, par exemple, élevées avec la hantise des voyages, et c'est notamment pour cette raison que je ne suis jamais allée à Boston lorsque la Société historique du "Titanic" a voulu réunir les rescapés". [Interview de Louise Laroche, La Presse de la Manche, 20 avril 1996]

 

Le 19 avril 1996, à l'initiative de M. Mendez, elle dévoile à Cherbourg, une plaque commémorative sur le quai Lawton-Collins, à l'emplacement de l'ancien embarcadère des transbordeurs de la White Star Line, en souvenir des passagers du Titanic embarqués à Cherbourg.

Louise Laroche a également une histoire particulière, car son père Joseph Laroche, était le seul passager noir connu à bord du paquebot. Originaire d'Haiti, il quitte son île natale pour la France à l'âge de 15 ans pour y suivre des études d'ingénieur à Beauvais puis à Lille, sous la tutelle de l'évêque d'Haiti. Il devient ingénieur aux Chemins de fers électriques souterrains (ou métro de Paris). Le 18 mars 1908, il épouse Juliette Lafargue, rencontrée grâce à Maurice Lafargue son professeur d'anglais, également frère de Juliette. En 1911, Joseph prend la décision de revenir avec sa famille à Haiti où un poste de professeur de mathématiques et de physique l'attend au lycée de Cap-Haitien. Joseph Laroche souffrait en France d'une discrimination raciale qui l'empêchait d'occuper un emploi bien rémunéré.

 

 

Louise Laroche aux côtés de Michel Navratil

Louise Laroche aux côtés de Michel Navratil

 

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